La P’tite Interview d’1puce1pou

Retour sur l’exposition d’1puce1pou, Incipit 

 

  • Quelle a été la genèse du projet ? 

Pierre : Le duo 1puce1pou a commencé par une vente aux enchères avec appel au don pour l’association Singa qui crée du lien entre Français et personnes immigrées.

Barbara : lls se sont rendus compte qu’il est difficile pour les nouveaux arrivants de rencontrer des personnes d’origines différentes.

Pierre : On était motivés pour faire ce projet, Babs voulait faire absolument un poisson, donc on s’est dit qu’on allait faire un truc à deux du coup. C’est l’Hôtel de Ville de Villeurbanne avec la Fête du livre jeunesse qui organisait ça. J’ai fait une vingtaine de phrases qui n’avaient rien à voir les unes avec les autres et au milieu un truc en mode polar : on s’est dit que c’était marrant, et le projet nous a bien plu. On a décidé de continuer et d’en faire une série. Le conte à colorier par contre c’est la suite d’un coloriage sur la première expo, intitulé le jeu du poisson : chacun faisait son coloriage pour construire un grand mur avec les coloriages. 

Babs : ça nous a donné l’idée de faire des coloriages au premier confinement lorsqu’on s’est rendu compte que les enfants des copains craquaient ; au final, on a surtout fait des coloriages pour les copains : ils en ont fait autant si ce n’est plus que leurs enfants ! Du coup Pierre s’est dit que pour le 1er mai 2020 il allait écrire une histoire rattachée aux coloriages, qui a mené de fil en aiguille à une vidéo réalisée à l’arrache avec un téléphone. Lorsque les copains ont monté une maison d’édition, on s’est dit qu’on allait mettre ça au propre. Le conte à colorier, c’est un objet qui existe mais qui n’est pas très commun, avec des histoires originales encore moins. 

 

  • Barbara, comment es-tu arrivée à ce style graphique, assez différent de ton travail individuel ? 

Babs : C’est quand même du dessin au feutre et à l’encre donc ça se rapproche de mon travail habituel. Sur ce projet, j’avais vraiment envie de travailler les motifs. L’illustration, ça fait longtemps que j’en fais mais plutôt à la peinture donc j’étais contente de travailler des techniques à l’encre que je connais bien tout en allant sur des choses plus ludiques, plus créatives dans l’illustration. C’est un peu un retour à ce que je faisais avant, mais avec toute la connaissance technique et le funky que j’ai acquis ces dix dernières années !  J’ai un côté très dessin contemporain, conceptuel, mais aussi un côté plus léger et figuratif. 

 

Haut : Détail de Sans-Titre, 2017 / Bas: Série Bouchons, 2021

 

  • Pierre, quel processus t’a mené à l’écriture ? 

Pierre : C’est un peu compliqué de répondre, je ne sais pas bien. C’est une des seules activités que je suis capable de faire sans penser à autre chose ; ça attire toute mon attention donc ça doit beaucoup jouer ! Après, ça a été clair pour moi vers 18 ans que c’était ce que je voulais faire de ma vie. Aujourd’hui je suis sur le texte sous toutes ses formes, dont des textes uniquement destinés à l’oral. Pour 1puce1pou, ce sont des textes voués à être encadrés, donc ce n’est pas du tout la même démarche : là ça rentre dans un contexte, en regard du boulot de Babs. En général, je m’intéresse à tous les médias dans lesquels l’écrit peut s’inscrire : la performance musicale a été réalisée avec Volatile, un groupe formé avec un ancien coloc à moi. Ça a été un gros cap, le passage à l’oral a beaucoup changé ma perception de certains textes. C’est un truc qui m’éclate toutes les choses qu’il peut y avoir dans un mot, un peu à la manière d’un plasticien pouvant être à fond sur le fait qu’un trait à 3 cm à gauche soit pas pareil que 3 cm à droite, ou que telle couleur toute seule soit différente de telle couleur associée à une autre, tout ce qui se crée par assemblage. 

 

  • Quelles sont vos sources d’inspiration ?

Pierre : C’est assez varié quand même, on a tendance à se nourrir de tout ce qui passe. Sur le calendrier par exemple il va y avoir  du Vialatte ou du Desproges qui ont fait du texte court, des trucs sur l’almanach justement. Sur la série Incipit à proprement parler je ne sais pas si on peut parler d’inspiration, même si Charles (un des dessins de la série Incipit) reprend certains codes de la construction des contes de Perrault, donc quand on a voulu bosser sur le genre c’est ce qu’on a repris parce que c’est le plus représentatif, ça parle à tout le monde.

Babs : Il y a Plonk et Replonk aussi, des Suisses qui font des calendriers et cartes postales avec un humour très décalé, très suisse. 

Pierre : Mais personne ne voit ce que c’est l’humour suisse !

Babs : Si, en tant que Suisse, je vois ! (rire) Dans mes références il y a aussi tout ce qui est motif textile et motif de fête des morts mexicaines. 

 

  • Comment se passe la coopération artistique en tant que duo et en tant que couple ? 

Pierre : ça se passe bien, quand on s’engueule c’est sa faute et quand tout se passe bien c’est grâce à moi. 

Babs : je vois pas quel type d’humour c’est censé être (rire). Le fait d’être un peu l’un sur l’autre tout le temps fait que ça avance plus vite, c’est très foisonnant, on a des idées tout le temps. Vu qu’on est tout le temps ensemble, on a le temps de trier les idées pour ne garder que celles qui nous intéressent vraiment tous les deux. 

Pierre : Je crois vraiment au côté cohabitation ; un groupe de musique qui marche par exemple ils sont souvent les uns sur les autres et passent énormément de temps ensemble. Du coup couple ou pas couple on s’en fout, c‘est plus le côté être tout le temps ensemble, de partager les mêmes trucs, d’avoir une dynamique de travail.

Babs : C’est surtout la possibilité de travailler chez soi même à 4h du matin si t’as une super idée. Puis on était d’abord un couple avant de bosser ensemble, donc on savait déjà faire ! 

 

  • Vous avez également monté une maison d’édition : pourquoi, comment, avec qui ?  

Pierre : C’est surtout les copains qui l’ont montée. De manière générale dans l’illustration les artistes sont un peu pieds et poings liés. Dans l’illustration jeunesse ça va très loin, ça peut être “Tiens ton conte est super mais par contre tu vas bosser avec untel, et puis la fin non on verrait plutôt ça, et tu nous la refais pour dans deux semaines ?” et surtout payé à coup de lance-pierre. Du côté de notre maison d’édition, ils essayent le plus possible de respecter la charte des auteurs et illustrateurs.

Babs : C’est une charte en lien avec le rapport Racine : ils ont proposé une trame qui recommande des grilles de rémunération plus égalitaires. Dans les statuts de la maison d’édition l’idée c’est de vraiment respecter tout ça et pas seulement pour 1puce1pou ; la maison d’édition s’adresse à un public très vaste, pas uniquement jeunesse, ce qui donne un projet très sympa et très rare dans le monde de l’édition française. Le calendrier, par exemple, ne s’adresse pas tellement à la jeunesse, on a la possibilité de cibler qui on souhaite. 

Pierre : La maison d’édition va s’élargir, on va avoir de nouveaux auteurs. Pour l’instant on a fait le conte à colorier, les cartes postales et le calendrier. Ça nous permet de pas avoir de problèmes de droits d’exclusivité et de pas se faire modifier nos projets. Si on avait postulé dans une grosse boite, ils auraient pu nous demander de céder les dessins pour les mettre sur des mugs, car quand tu signes le contrat tu cèdes tout ! Ils peuvent l’utiliser pour ce qu’ils veulent. Nous, on veut vraiment garder le côté artistique, pas uniquement commercial.

Babs : Ce qui nous intéresse c’était de préserver l’intégrité du projet tout en se faisant plaisir et en gardant notre ligne éditoriale. 

 

  • Quels sont vos futurs projets ? 

Babs : On a des projets qu’on aimerait bien faire mais c’est encore en réflexion. Ce sera pas forcément pour les éditions du Bout de l’Hameçon car ça ne rentrera pas forcément dans leur ligne éditoriale, mais on n’a pas encore pris cinq minutes pour faire le tri des idées. Puis il y a aussi ce qu’on fait chacun de notre côté !  

 

  • Un mot de la fin ?

Babs : Laissez vous décaler, c’est notre phrase de signature quand on envoie des books ou autre. On aime bien le décalage dans la vie et dans l’art aussi. On aime bien être surpris et surprendre ! C’est un peu la dessus qu’on a créé toute la série d’ailleurs. Et amusez-vous ! 

Une participante à la fresque collaboratif Récif étoilé proposée par 1puce1pou 

 

De la part d’1Puce1Pou : Merci à Autour de l’Image, A3Print et l’Alcôve. 

Merci énormément à Pierre et Barbara pour avoir répondu à mes questions, pour leur professionnalisme et pour leur gentillesse !

Rédaction et photographies : Ambre Joulie 

 

Hit enter to search or ESC to close