La Petite Interview d’Amandine Gollé

Dans la continuité de l’interview avec Gilles Bourgoin et Véronique Moulias, La Petite Interview revient avec celle d’Amandine Gollé , artiste invitée par notre artiste résidente Xiaojun Song, pour leur exposition Les Visions Chavirées, qui eu lieu du 14 au 24 novembre 2019.

Présentes nous, en quelques mots, ce qui caractérise ta démarche artistique.

J’ai toujours travaillé autour de la Nature, souvent fantasmée. De la fleur au corps, de l’insecte au paysage… Aujourd’hui, j’ai surtout envie de ressentir au travers de la création et de partager des oeuvres qui créent de l’émotion.

Quelles ont été tes motivations pour faire cette exposition avec Xiaojun? où se trouve, pour toi, le.s point.s de concordance entre vos travaux?

Revoir mon amie, voyager et faire voyager mes oeuvres, rencontrer un nouveau public. Et puis je trouve que la galerie L’Alcove est vraiment un bel espace. Bien que nos travaux soient différents plastiquement, ils se marient très bien grâce aux couleurs choisies, et à l’usage de noirs profonds. La légèreté aussi. Au delà du visuel, je pense que les origines chinoises de Xiaojun et mon amour pour l’Asie, ces cultures et croyances, font que nos concepts se croisent régulièrement.

Dans ta bio, il est indiqué que tu as fait un post-diplôme en Chine. Qu’est-ce qui t’as guidé dans ce choix?

J’avais envie d’étudier encore et surtout d’approfondir certaines techniques d’estampe, telle que la gravure sur bois, dans laquelle les chinois excellent. Envie de voyager également, découvrir un autre monde. Ces désirs ne m’ont toujours pas quittés d’ailleur.

Ton travail prête une attention toute particulière aux détails, que ça soit dans la facture que dans le sujet (les insectes). Est-ce lié à la culture asiatique où on retrouve cette sensibilité?

C’est plutôt parce que je me suis toujours intéressée aux plus infimes détails, que l’esthétique de l’art, de l’écriture et de l’architecture asiatique m’ont séduites dès mes 4 ans, et encore plus par la suite avec la part d’imaginaire de cette culture. Mais je me nourris aussi de nombreuses autres influences.

Comment lies-tu ton travail de sculpture et celui de dessin? on note que l’un est coloré alors que l’autre reste en noir et blanc.

D’abord, je tiens à préciser que les oeuvres sur papier que je présente ici sont des xylographies : elles résultent d’une image d’abord gravée sur le bois, puis ce bois est encré et l’image imprimée sur papier à l’aide d’une presse. Mon rapport au dessin a véritablement changé à ma sortie des Beaux-Arts. Avant je dessinai énormément, c’était une façon de donner vie à mes rêves, à mes idées, de penser, de m’exprimer. Aujourd’hui je passe plus de temps à réaliser ce que j’ai envie de faire, le dessin passe au second plan, c’est plus un moyen de mettre directement une idée sur papier avant de la réaliser un jour ou jamais. Sans aucun doute je me remettrais à travailler le dessin avec grand plaisir, en tant qu’oeuvre à part entière. Ensuite, pour répondre à la question, je réalise peu de sculptures, et la pratique du volume m’a manqué les années où j’ai le plus travaillé le dessin et l’estampe. La série des Chimères Emplumées (voir ci-dessous) m’a permis de reprendre cette pratique laissée de côté. Le jeu est très présent dans cette série et me permet d’alterner d’avec la gravure, qui est un travail de patience nécessitant plus de concentration et de réflexion ; là, je me laisse aller à ces compositions d’insectes chatoyants et de plumes douces, colorées, irisées, ce qui me donne un équilibre entre le travail lent, et plutôt austère, et l’autre rapide et amusant. Ceci dit, je n’ai jamais voulu borner ma pratique à une seule technique, je m’ennuis si je ne découvre rien! par exemple, je pratique régulièrement le photogramme argentique, la photographie, le martelage sur cuivre ou laiton. Autre travail créatif, je réalise des bijoux sous le nom de Yidjia, principalement à partir d’élytres de coléoptères.

Quel lien fais-tu entre ton travail de gravure sur bois et les insectes que tu représentes avec?

Les insectes sont d’abord apparus dans mon travail de gravure à l’eau forte. Posés sur des fleurs, puis seuls, avec des titres évocateurs tels que « Papillon, papillon suce ma fleur » ou « sale insecte ». Avant eux, je me rappelle d’une séance de photos performatives sur le corps d’une femme nue, dans le froid, avec des lombrics sur la peau… Longtemps après, à l’occasion d’une résidence d’artistes, j’ai eu envie de réaliser une grande gravure sur bois. Je ne sais plus pourquoi, mais à ce moment là, j’ai choisi comme sujet le scarabée Goliath, et d’autres insectes ont suivis. Leur carapace étant souvent très colorée, voire iridescente, comment faire pour traduire ça en gravure sur bois, technique de permettant pas d’obtenir des nuances de gris? les réflexions et le travail sur les matière et textures observées sur les insectes m’a permit d’augmenter mon vocabulaire de graveure. Par ailleurs, transposé en un grand format, les arthropodes, que je grave, deviennent nos égaux. L’humain, par cette transposition, les découvre comme pour la première fois, et la beauté de la représentation, l’attraction qu’elle produit, permet souvent le brouillage de la barrière de la répulsion première et de l’indifférence généralisée pour ces Minuscules Géant (voir ci-dessous) pourtant nécessaires à la vie. Au-delàs de cet aspect écologique et de médiation, ce qui personnellement me fait rêver, c’est que dans ce format, les insectes deviennent des paysages. Et, en les regardant, je ressens de nouveau ce que j’ai pu expérimenter plus tôt en gravant : les mouvements très répétitifs de la gouge incisant le bois, qui me permettent d’entrer dans un état proche de la méditation, au moins laisser divaguer mon esprit. Le travail de gravure sur bois est, pour moi, assez comparable à une longue marche dans la nature.

Quels sont tes prochains projets/travaux artistiques?

J’ai particulièrement envie de réaliser des oeuvres monumentales. Des installations/environnements dans lesquels les spectateurs pourrons se mouvoir. Dans la lignée de ma gravure de 2,5x14m, Le Ciel est Bas. J’aime réaliser des choses qui me dépassent, dans lesquels je peu m’investir pleinement, et, qui font partager au spectateur du ressentit, des émotions.

Rédaction : Camila Ragonese.

La Petite Interview d'Amandine Gollé

1 semaine après la fin de l'exposition "Les Visions Chavirées", La Petite Interview est de retour sur le monde des "Géants Minuscules" et des "Chimères Emplumées" de l'artiste invitée Amandine Gollé. L'interview vidéo est complétée par un article que vous trouverez sur notre site internet : https://www.alcove-lyon.com/la-petite-interview-damandine-golle/

Publiée par L'Alcove, atelier Leynaud de création d'objets visuels sur Dimanche 1 décembre 2019
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